Toronto…ville française, 1er avril 2011

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Toronto…ville française

C’est une journée froide et maussade dans la plus grande région métropolitaine du Canada, et malgré ce temps plutôt désagréable, le rez-de-chaussée du grand bâtiment de Radio-Canada, au centre-ville de Toronto, bourdonne d’activités. Plusieurs centaines de personnes échangent des cartes d’affaires et racontent leurs nouvelles aux collègues et nouveaux amis qu’ils viennent de rencontrer. Une scène courante à Toronto, c’est sur, avec cette seule différence plutôt signifiante que tout ce processus se déroule entièrement en français. C’est le lancement de la semaine de la francophonie à Toronto, et tous les grands organismes culturels, diplomatiques et commerciaux sont représentés dans cette grande réception. Quelques jours plus tard, la ministre des affaires intergouvernementales de l’Ontario, Madeleine Meilleur, prononce une allocution ministérielle, encore une fois entièrement en français, devant ses collègues de la législature provinciale. Encore une fois, un grand groupe de leaders du monde francophone et francophile sont de la partie, et plusieurs remarquent avec un certain éberlument que Toronto est devenue un centre culturel de la francophonie.

Aujourd’hui, on peut lire un journal quotidien en français à Toronto, et lire là-dedans les critiques des dernières pièces du théâtre français de Toronto et des films qui viennent des quatre coins du monde en français. Devant un cinéma dans une des rues les plus huppées de la ville, les gens font la queue pour voir le film ‘Incendies’, nominé aux Oscars en tant qu’un des meilleurs films de l’année. Entretemps, dans les grandes écoles secondaires comme le Toronto French School, des milliers de jeunes Torontois perfectionnent leur capacité de communiquer en français, avant peut-être de poursuivre leurs études dans une université bilingue comme le Collège Glendon de l’Université York. Les hommes et les femmes d’affaires, quant à eux, ont un choix époustouflant de cours de langue en français, que ca soit les grandes écoles connues comme l’Alliance Française ou Berlitz, ou une kyrielle d’autres petites institutions qui offrent les mêmes services. Bref, le français n’est pas seulement en bonne santé à Toronto…c’est une langue en pleine effervescence qui pénètre tous les coins de la ville, de la banlieue, et de la grande région métropolitaine. L’Alliance Française de Toronto, par exemple, qui a quatre grandes écoles dans la région, représente en nombre d’étudiants, la deuxième plus grande opération de cette institution en Amérique du Nord, se plaçant seulement derrière la ville de New York. Pour quelqu’un comme moi qui ai déjà dépassé il y a longtemps cinq décennies d’échanges linguistiques, cette nouvelle réalité est à peine croyable. Il fut une époque, pendant mon adolescence à Toronto, quand on n’osait pas parler trop fort en français dans le métro. C’était une époque bien différente, évidemment, ou certains au Québec prévoyaient la disparation de la langue française au Canada et le danger que les ‘deux solitudes’ du pays n’arriveraient jamais à vivre en paix côte-à-côte. Au cours de cette époque, un canadien anglais qui voulait apprendre et même vivre en français était considéré comme une vraie curiosité de la nature. Aujourd’hui, tout cela est difficile à expliquer aux jeunes Torontois qui, en grand pourcentage, sont nés à l’extérieur du Canada et acceptent très facilement non seulement le bilinguisme et le biculturalisme, mais toute une multiciplité de langues et de cultures qui existent ensemble en harmonie et servent à s’enrichir les unes des autres. Le grand philosophe Allemand du 19e siècle, Frederick Nietzsche, parlait dans son œuvre philosophique de ce qu’il arrive quand des culturelles différentes se côtoient de cette façon…il voyait un jaillissement d’une nouvelle culture riche, sensible et extrêmement capable de faire affaire avec un rythme de changement rapide et parfois radical.

En tant que président de l’AFT, je regarde cet essor extraordinaire de la langue française à Toronto et dans les autres grandes villes du Canada anglais, et je vois une nation qui est mieux préparée pour les péripéties d’un avenir incertain que les vielles cultures qui ont du mal à sortir de leurs propres coquilles socio-culturelles. C’est extraordinaire de voir les immigrants qui parlent de l’importance pour leurs enfants d’apprendre les deux langues officielles du Canada, et non seulement l’anglais, et les nouveaux Canadiens qui s’inscrivent dans les cours de langue française offrent une preuve rassurante de cette nouvelle mentalité. John Ralston Saul l’a très bien dit à maintes reprises…quand on descend un couloir et on voit des portes qui s’ouvrent sur des nouvelles possibilités, pourquoi fermerait-on une de ces portes, à savoir l’apprentissage de la langue française au Canada anglais, quand ont peut bénéficier de l’issue de toutes ces portes. Plusieurs ont remarqué que le rayonnement de la langue française au Canada va a l’encontre de ce qu’on entend souvent au sujet de la perte d’importance de cette langue. Serait-il même possible que la langue française est en meilleur santé au Canada qu’en France? La réponse, d’après ce qu’on dit dans beaucoup de commentaires, c’est un ‘oui’ sans réserve. Dernièrement, en regardant une émission de télévision provenant de la France, un grand chanteur a remercié chaleureusement un jeune débutant, lors d’un concours de la chanson, d’avoir chanté en français plutôt qu’en anglais. Ceci n’arriverait jamais au Canada. Céline Dion part à la conquête du monde dans les deux langues et elle ne s’est jamais arrêtée de retourner au bercail en continuant à sortir des belles chansons dans sa langue maternelle. Ce qui est à noter dans cet exemple, c’est que les Canadiens anglais n’ont plus peur d’écouter et d’apprécier ces belles chansons de langue française et, de plus en plus, ils comprennent parfaitement le contenu du produit.

Il y a une ironie dans cette histoire, étant donné que la région la plus francophone du pays, le Québec, ne réalise pas toujours le progrès dans l’avancement du bilinguisme et de l’usage de la langue française dans les grandes villes du Canada à l’extérieur du Québec. Tous les jours il semble avoir une nouvelle bonne raison pour s’inscrire dans les cours de français ou au moins faire en sorte que ses enfants s’y inscrivent. Dernièrement, une université Torontoise est sortie une étude qui prétend que le bilinguisme peut réduire l’incidence d’Alzheimer, et mener à une vieillesse infiniment plus agréable. Nous sommes maintenant bien au-delà de la culture. Il y a dorénavant des arguments médicaux pour apprendre le français au Canada anglais et c’est sans doute une des nombreuses raisons qu’on voit l’émergence de millions de jeunes Canadiens qui sont capables de s’exprimer en français et qui se sentent confortables et fiers d’avoir le Québec et les autres régions francophones du Canada comme partie intégrale de leur identité canadiennes. Le français au Canada a un avenir extrêmement promettant, et si on continue sur ce chemin, beaucoup de nos leaders sociétaux de demain seront non seulement bilingues et capable de comprendre et apprécier pleinement la grande culture francophone, mais polyglotte est capable de s’exprimer dans plusieurs langues à la maison et au travail. Encore une grande différence entre le Canada d’aujourd’hui et le Canada de mon enfance.

Si je peux dire à l’âge de 56 ans que Toronto est une ville qui marche beaucoup en français, je deviens de plus en plus optimiste que ma vieillesse va se passer dans un contexte multiculturel, multilinguistique, et avec des résidents qui ne sont pas seulement bilingues et biculturels, mais qui se voient aussi comme des vrai citoyens du monde.

Gordon K. McIvor, Ph.d.
Président
Alliance Française de Toronto

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